Junction37 Watson Lake (CA) - New Hazelton (CA) 873kms
+ 5.760metres - 6.168metres
Libération ! Le croisement de la Highway 37 connue comme Cassiar highway arrive à temps. Nous venons de parcourir presque 1.400 kilomètres avec nos amis les RVs ("véhicules de récréation") et bien que le territoire du Yukon ait su nous envoûter de toute sa beauté, nous gardons un goût amer des routes très fréquentées en cette fin d’été. On a bien failli y laisser nos pneus à plusieurs reprises ! On quitte donc la ALCAN et les RVs qui filent vers les Rocheuses à toute allure. Ces belles montagnes tant convoitées, nous les verrons plus tard, plus au sud. De la patience et un regard différent, c’est tout ce dont nous avons besoin pour apprécier ce que nous allons voir par là.
La Cassiar Highway: La route que l'on prend quand on n'est pas pressé !
La Cassiar Highway a cette étrange réputation d’être très mal entretenue. À ce que l’on peut entendre auprès de beaucoup, ainsi que dans les centres d’information, le bitume est défoncé sur une bonne partie de la route. Apparemment, il y a beaucoup de sections de graviers et les ravitaillements sont rares le long des 873kms de la Cassiar. Tous ces arguments nous titillent l’oreille et nous font dire que cette route, c’est le paradis !
Nous longeons la « Coast Mountain Range » à l’ouest et nous nous enfonçons dans des hectares de forêt encore faites d’épinettes blanches et noires. À cette latitude et sous nos roues il y a encore le pergélisol : cette couche de glace permanente en sous-sol des terres arctiques menacée par le réchauffement climatique.
Certaines forêts ont été récemment ravagées par des feux cycliques. Certaines sont jeunes, d’autres plus anciennes et attendent toujours de bruler naturellement pour que leurs graines puissent donner la vie.
Il y a une beauté en chaque forêt de la Cassiar Highway. Et il y a donc une beauté inappréciée de cette route car “So far so good”, la route est propre, sans nid de poule et la tranquillité est très appréciable. Il n’y aura d’ailleurs qu’une section de moins d’un kilomètre de gravier sur tout le parcours. De quoi faire taire les médisants de cette jolie route.
Quelles difficultés?
La grande difficulté de ce chemin demeure dans le dénivelé qui est au menu ! Ce sont de véritables montagnes russes que le terrain nous met au défi de surmonter. Nos moyennes chutent considérablement. En comparaison à nos 80/100 kilomètres quasi-quotidien au Yukon, nous préférons nous arrêter après 60/70 kilomètres chaque jour. Les endroits de campement sauvage ne manquent pas et il est super simple de trouver un petit bout de terre auprès d’un des nombreux lacs de la région.
Et le ravitaillement ? L'eau ? Le dodo ?
Il y a quelques ravitaillements le long de cette route, en effet éparses, mais ça fera l'affaire ! Le premier digne de ce nom se trouve à Dease Lake après 235 kilomètres de parcours. Auparavant, nous avons croisé Good Hope Lake et le “world famous” Jade city dont on apprend l’existence quand on y passe. On n'y trouve des barres de chocolat et du café gratuit qui sont les bienvenus (on a vent de face depuis le petit matin ce jour là). La route se rythme tous les 150 à 200 kilomètres par un petit village d’irréductibles canadiens qui pour rien au monde n’iraient rejoindre le Sud de la Colombie-Britannique. Les gens ici vivent de pêche, de chasse, beaucoup sont des trappeurs et cette subsistance semble les rendre accomplis et heureux. Dans chaque village, il y a une petite épicerie.
La gestion de la nourriture n’est donc pas un problème même s’il faut avouer que les prix exercés par les ces dernières sont carrément exagérés.
En ce qui concerne l’eau, même topo que plus au nord. Il y a des montagnes partout donc des écoulements d’eau de fonte de glace très fréquent. Un petit filtre fera l’affaire pour éviter à nouveau la fièvre du Castor. Nous ne buvons que des eaux qui s’écoulent et évitons les eaux stagnantes toujours par sécurité.
Pour le dodo, rien à ajouter. Les bivouacs sont faciles, et il y a du bois sec à profusion. Les feux que nous allumons le soir nous réchauffent alors que l'automne nous montre de toute ses forces qu'il ne faut pas s'attarder dans la région par risque de se faire rattraper très rapidement par l'hiver. Les couleurs au réveil sont magiques. Nous sommes perdus au milieu d'une nature flamboyante.
Rouler entre amis
Nous avons une chance incroyable de partager ce bout de chemin à vélo avec Ben des États-Unis (Wisconsin), Dave et Vicky d’Australie. Ben est lui aussi en route pour la Patagonie depuis l’Alaska. Dave et Vicky, eux, sont partis en début d’année de San Francisco. Ils ont remontés le continent jusqu’en Alaska, et maintenant rebroussent chemin pour aller passer l’hiver sur l’ile de Vancouver. Nous nous sommes tous rencontré à Whitehorse. Plus tard, nous avons recroisé par hasard Ben à la jonction 37 de Watson Lake. On a ainsi commencé à faire la route avec ce grand bonhomme aux cheveux longs bouclés qui a un sens de l’humour détonnant ! À Dease Lake, c’est Dave et Vicky que nous retrouvons. Tous ensemble, rapidement et naturellement on devient une petite équipe d’inséparables et le chemin nous enseigne de nouvelles choses de la vie. Ce n'est pas tous les jours que l’on rencontre ses homonymes dans des contrées reculées et nous nous attachons très vite aux joies du partage à vélo après que notre voyage déjà, nous ait tant donné.
Détour par Stewart obligatoire !
Ensemble, nous faisons le détour pour descendre dans le fjord du Portland Canal et dans la ville de Stewart (CA). Nous nous enfonçons dans les montagnes pour une descente de 40 kilomètres à travers glaciers, cascades et forêt pluviale. La beauté insoupçonnée de ce paysage fait couler des larmes sur le visage de Sophie. 120 kilomètres aller et retour que nous ne regrettons pas. C’est un détour qui n’en ai pas vraiment un finalement… Simplement la continuité de notre chemin. On préfère ne pas trop vous gâcher la surprise en publiant trop de photos au sujet de cette route. Il s'agit là plus de ressentis et d'émotions. On avale les kilomètres restant jusqu’à Stewart avec aisance et un ours noir nous accueille dans la jolie petite ville aux mille couleurs. C’est le premier ours que l’on croise sur la Cassiar Highway.
Encore une fois contrairement à tout ce que l’on avait pu entendre à leurs sujets, nous n’en verrons que deux autres plus au sud, bien loin des 10 par jour auquel nous nous attendions. La cause se trouve peut-être dans le fait que nous faisons cette portion en début d’automne et que la plupart des ours ont déserté les buissons de baies pour les cours d’eau et pêcher le saumon remontant les cours d'eau pour se reproduire et y mourir. Peut-être, je ne sais pas. La Cassiar Highway s’aplatie plus au sud avec toujours une ou deux montées bien corsées de temps à autre.
La Mitten Main Road : Du gravier et du bonheur
Plutôt que de passer par Kitwanga et finir officiellement la Cassiar highway, nous décidons de couper à travers champs pour rejoindre New Hazelton par la Mitten Forest Service Road. Dès lors, nous ne voyons que cinq véhicules par jour sur cette route forestière deux jours durant. Nous choisissons même de ralentir considérablement notre rythme. Nous savons tous les 5 que cette Cassiar highway, personne ne l’aura expérimenté de cette manière, nous avons été maîtres de nos destins, ensemble le temps d’un intense partage et une amitié sincère vient de naître. Nous savons aussi que la route, bientôt, va nous séparer car c’est ainsi que va la vie. Alors on apprend tous ensemble, à ne pas faire la course aux kilomètres et apprécier les personnes que nous devenons, encore une fois, ensemble.